Retour sur les Rencontres de l'Institut de la Finance Durable
Auteur : Morgane Iofrida
Introduction
Au programme : coordination avec les pouvoirs publics, structuration des outils de financement, enjeux de standardisation, et perspectives internationales. Autant de sujets structurants pour accélérer le financement de la transition écologique.
Notre collaboratrice, présente lors des conférences, revient sur les enseignements clés de cette journée.

« France, Europe, monde : concilier développement économique et transition écologique »
Le développement des énergies renouvelables est un des axes stratégiques pour permettre de concilier le dévéloppement économique et la transition écologique. Les investissements dans ce domaine sont considerés comme des investissements utiles et nécessaires tant au niveau économique, écologique ou comme outil de maintien de notre souveraineté. Le contexte géopolitique amène à repenser le lieu des investissements, si les Etats-Unis étaient encore un terrain propice, il devient nécessaire de commencer à se rediriger vers les pays du Golfe ou l’Asie.
Le marché est en plein essor avec de nombreux signaux positifs, notamment par les succès des obligations vertes comme démontrent les 25 milliards de dollars émis par les obligations vertes d’Engie ou encore le lancement du fonds BNP Paribas Solar Impulse, en coopération avec la fondation Solar Impulse qui investit massivement notamment en Asie.
Les acteurs insistent néanmoins sur la nécessité d’une simplification forte des pouvoirs publics pour permettre de maintenir cette dynamique sous la forme de dépenses publiques ou de coopération public / privé auprès des industriels.
« Plan de transition : un outil au cœur de la stratégie de financement des entreprises ? »
Les plans de transition sont devenus des outils essentiels pour penser certaines données financières, identifier les enjeux matériels futurs et prospectifs et faire le pont entre la stratégie d’une entreprise et ses engagements climatiques. Pourtant, selon une étude de l’université de Hambourg, seule une minorité d’entreprises (27 %) dispose de plans de transition, et seulement 13 % suivent les trajectoires prévues.
Concernant le secteur financier, seulement 14% des institutions possèdent des plans de transitions. Des initiatives comme la méthodologie ACT de l’ADEME permettent d’accompagner les entreprises vers des plans de transition cohérents avec leurs domaines d’activités. La question des plans de transition est encore une question soumise aux obligations réglementaires des différents pays, si l’Union Européenne et le Canada ont déjà amorcés depuis longtemps leurs intégrations dans différentes obligations légales, les Etats-Unis sont quant à eux en train de faire-volteface sur ce sujet.
Il est nécessaire de recentrer le débat autour des 3 atouts majeurs des plans de transition :
- Permettre aux acteurs d’accéder aux fonds de la transition
- Permettre aux législateurs d’identifier comment améliorer les politiques dédiées
- Faciliter la compréhension des enjeux d’adaptation au changement climatique et aller au-delà des enjeux de décarbonation.
Dans le contexte actuel, il est essentiel de préserver et renforcer les obligations réglementaires liées aux plans de transition, afin de garantir leur crédibilité et d'assurer une mise à niveau des informations financières et extra-financières.
« Quelle articulation entre investissements dans la transition et cadre réglementaire ? »
Le contexte réglementaire européen est en pleine effervescence depuis la présentation de la proposition de législation Omnibus, visant à simplifier certaines dispositions du Pacte vert européen. Ces propositions de simplification suscitent de nombreuses interrogations, notamment en ce qui concerne les données extra-financières. Une partie des informations collectées dans le cadre de la CSRD s’avère pourtant essentielle : elles permettent la comparabilité entre entreprises et constituent un socle nécessaire à l’investissement des acteurs financiers. Dans ce contexte, alors qu’une réglementation spécifique aux fournisseurs de données ESG est en cours d’élaboration, une inquiétude émerge : celle de voir les méthodologies des agences de notation davantage encadrées et soumises à des obligations plus strictes que les entreprises elles-mêmes, pourtant à l’origine des données utilisées.
« Crédits biodiversité et carbone : quelles conditions pour une solution de financement robuste ? »
La question des crédits carbone et des crédits biodiversité s’impose comme un enjeu central dans la réflexion autour d’un financement robuste et crédible de l’adaptation au changement climatique. En France, le cadre réglementaire permet de soutenir plusieurs initiatives structurantes.
Le Label bas-carbone, en place depuis 2018, accompagne des projets de réduction ou de séquestration des émissions sans pour autant encourager une financiarisation excessive de la nature. En parallèle, les crédits biodiversité ont connu une avancée majeure depuis 2023 avec la création des Sites Naturels de Compensation, de Restauration et de Renaturation (SNCRR), introduits par la loi Industrie Verte. Ce dispositif encadre les projets de reconquête de la biodiversité, en leur donnant un cadre juridique clair.
Toutefois, là où les mécanismes de crédits carbone sont relativement faciles à standardiser et à mettre en œuvre, la biodiversité reste un sujet profondément contextuel. Chaque projet dépend de son territoire, de ses écosystèmes, rendant complexe la massification de solutions reproductibles à grande échelle.
Dans le contexte actuel, marqué par la proposition de législation Omnibus et une potentielle remise en question de la taxonomie verte européenne, les acteurs du secteur appellent à la vigilance. Il est indispensable de préserver des garde-fous réglementaires pour garantir l’intégrité des démarches et prévenir tout risque de greenwashing.
La France fait preuve d’un dynamisme notable sur ces sujets. Le lancement par l’ADEME d’une méthodologie ACT dédiée à la biodiversité, ainsi que l’annonce d’un investissement de 6 milliards d’euros par la Caisse des Dépôts entre 2024 et 2028, témoignent d’un engagement fort en faveur d’une finance réellement alignée avec les enjeux écologiques.
Conclusion
Les Rencontres de l’Institut de la Finance Durable ont offert un espace de dialogue précieux entre acteurs publics, privés et institutionnels engagés dans la transformation du secteur financier. Si les avancées sont réelles – en matière de financement, d’outils de pilotage ou encore de structuration réglementaire – les discussions ont également mis en lumière les risques de fragmentation ou de ralentissement de la dynamique actuelle.
Dans un contexte international mouvant, il devient plus que jamais nécessaire de défendre une vision stratégique de long terme, fondée sur la cohérence, la transparence et l’innovation. L’avenir de la finance durable reposera sur la capacité des acteurs à conjuguer ambition et exigence, en plaçant la transition écologique au cœur des décisions économiques.