Bilan de la consultation sur le recalibrage des risques de catastrophes naturelles par l’EIOPA

Auteurs : Léo LOVISOLO, Mathis BLANCHOT

Contexte de la consultation EIOPA sur les risques naturels

En réponse à la hausse des catastrophes naturelles en Europe, l’EIOPA a proposé, en avril dernier, des ajustements significatifs des facteurs de risque climatique. Dans le cadre de Solvabilité II, ces facteurs influencent le calcul des sous-modules du SCR Cat Nat (péril par péril), affectant ainsi le capital requis pour le risque de souscription Non-Vie en assurance.

Cette proposition porte à la fois sur la revue des facteurs existants, mais également, sur l’ajout de nouveaux facteurs de risque, sur certains périmètres ou périls jusqu’ici évalués comme non-matériels. Au total, cette réévaluation concerne 24 zones de risques (pays, territoires outre marins, etc.) de l’Union européenne, élargissant ainsi le nombre de pays couverts ainsi que le panorama des périls par lesquels ils sont touchés.

En parallèle de cette proposition, l’EIOPA a mené une campagne publique visant à collecter avis et retours d’expertise des parties prenantes sur cette mise à jour prospective des facteurs de risque. En ce début d’année 2025, elle a terminé la synthèse de l’ensemble des réponses et des opinions formulés par 12 répondants. Cette consultation avait pour objectif principal de consolider ou nuancer les propositions initialement formulées, avant de les soumettre à la Commission européenne en vue d’une probable mise à jour réglementaire de Solvabilité II.

À la lumière des opinions formulées, analysons les ajustements proposés sur le territoire français, ainsi que sur l’émergence de risques à surveiller.

Ajustements PROPOSÉES POUR mieux quantifier l’impact DES CATASTROPHES NATURELLES EN FRANCE

En termes de catastrophes naturelles, notre territoire est affecté, de façon matérielle, par trois périls : la tempête, la grêle et la subsidence (phénomène de retrait-gonflement des argiles).

Les tempêtes
Ce péril concerne principalement les territoires français ultramarins (Martinique, Guadeloupe et Saint-Martin). Pour chacun d’entre eux, L’EIOPA propose une révision significative des facteurs de risque (hausse de près de 100 %). Ce choix reflète en grande partie l’expérience de l’ouragan Irma, dont la sinistralité liée avait dépassé le milliard d’euros. Bien qu’aucun commentaire n’ait été émis par les répondants pour la plupart des territoires européens touchés par ce péril, des réserves concernant la mise à jour des paramètres pour les trois territoires ultramarins français ont été exprimés. Elle serait, selon eux, trop sévère. En effet, les nouveaux facteurs ont été définis en respectant la logique convenue avec le réseau d’experts en risques de catastrophes naturelles de l’EIOPA, selon laquelle le risque en Martinique est inférieur à celui de la Guadeloupe, et celui de la Guadeloupe inférieur à Saint-Martin. Or, la prise en compte de l’ouragan Irma, qui a particulièrement touché cette dernière île, a conduit, par effet de cascade, à une rehausse excessive des facteurs de risque sur l’ensemble des trois territoires.
La grêle
Un consensus a été établi pour rehausser ce facteur. En France, comme sur les autres territoires concernés, il a également été proposé de doubler ce facteur sur le secteur automobile, particulièrement impacté par la grêle. La modélisation de ce péril a notamment progressé grâce à différentes mises à jour réalisées sur les modèles de tempête, qui ont permis d’affiner l’évaluation de ce risque. 
La subsidence
La France était, jusqu’ici, le seul pays concerné par le phénomène de retrait-gonflement des argiles. Récemment, par le conseil de groupes d’experts, par la mesure du développement et de la portée de ce péril, il est intéressant de constater que ce dernier est maintenant considéré pour deux régions voisines : le Royaume-Uni et la Belgique. Pour ce dernier territoire, le risque a été jugé suffisamment matériel pour qu’un facteur de risque, non nul, soit directement proposé pour cette région. Cela s’explique par le fait que la Belgique partage avec nous la zone argileuse des hauts de France. Cependant, deux des répondants ont suggéré de réduire ce nouveau facteur de risque compte tenu du nombre limité de sinistres historiques ayant touché la Belgique. Pour le territoire français, deux parties prenantes ont jugé « prématurée » la révision du facteur en raison des incertitudes liées aux régimes nationaux et aux données historiques. Des discussions ont été menées par l'EIOPA, l'ACPR, la CCR, ainsi qu'avec les fournisseurs de modèles climatiques, pour garantir l’adéquation du nouveau facteur.  

Autres risques naturels à prendre en compte

De nouveaux périls pourraient être ajoutés aux risques actuellement couverts par le régime Cat Nat, suivant la hausse de leur fréquence et de leur intensité. Il semble pertinent de s’y intéresser dans l’anticipation de leur intégration à la formule standard, dès qu’ils auront atteint un seuil de matérialité jugé significatif.

La sécheresse agricole
Il s’agit de la sécheresse entendue comme une baisse ou une perte de rendement des cultures induite par une faible humidité du sol. Ce péril est en hausse et pourrait prochainement s’avérer significatif pour le secteur de l’assurance. Il devrait notamment augmenter en fréquence et en intensité dans les régions du sud et de l’ouest de l’Europe. L’EIOPA examine les moyens d’inclure ce risque lors des futurs exercices de recalibrage.
Les feux de fôret
La hausse des températures ainsi que l’asséchement des sols et des végétaux augmentent significativement l’intensité des feux de forêts ainsi que la fréquence de leur départ. C’est un péril qui touche particulièrement les territoires méditerranéens, sur lesquels sont concentrés 85 % de la superficie moyenne annuelle brûlée en Europe. Pour ce péril, les répondants ont notamment mis en avant que, compte tenu de la prise en compte des incendies d’origine humaine dans le module des catastrophes « Man-Made » de la formule standard, il est important de veiller à ne pas créer de doublons en intégrant les feux de forêts, d’origine naturelle, dans le module Catastrophes Naturelles.
Les inondations côtières

Ce péril se traduit par un niveau d'eau plus élevé que la normale le long d’une côte. Il peut notamment être causé par une hausse du niveau de la mer, par la variation des marées ou par des orages. Une telle élévation, qui peut durer de quelques jours à plusieurs semaines, pose un défi croissant pour les régions côtières. Selon le projet PESETA IV du Centre commun de recherche de l’Union européenne, le niveau de la mer pourrait augmenter d’au moins un mètre d'ici 2100 et les dommages annuels causés pourraient augmenter d'environ 1,4 milliard d'euros à environ 240 milliards d'euros le territoire européen [1]. Les répondants à l’étude ont insisté sur le fait que l’aggravation de ce péril sera particulièrement dépendante des mesures d’atténuation et d’adaptation qui seront entreprises pour limiter les conséquences de la montée des eaux sur les régions côtières. Cette analyse met ainsi en avant les enjeux d’adaptations au changement climatique comme levier essentiel de la gestion des risques climatiques.

Catastrophes naturelles par l’EIOPA

Références

[1] Vousdoukas M., Mentaschi L., Mongelli I., Ciscar J-C, Hinkel J., Ward P., Gosling S. and Feyen L., Adapting to rising coastal flood risk in the EU under climate change, EUR 29969 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2020, ISBN 978-92-76-12990-5, doi:10.2760/456870, JRC118512.